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Transition 1 - Sortie d'Afrique

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Porteurs

Christophe Coupé et Jean-Marie Hombert



Objet de la transition

Face à la théorie de la continuité évolutive régionale, qui postule que notre espèce, Homo sapiens, s’est développée localement sur différents continents à partir de populations antérieures, la théorie dite de remplacement, aussi baptisée Out of Africa, est aujourd’hui prédominante. Sur la base de données archéologiques et génétiques, elle postule que les hommes anatomiquement modernes sont apparus en Afrique de l’est il y a environ 150,000 ans, avant de graduellement se disperser à la surface du globe et de remplacer les autres espèces humaines qui y vivaient.

Un des événements majeur de cette dispersion est la sortie hors d’Afrique qui a pris place il y a environ 70,000 ans. Une de ses particularités est l’existence d’une vague initiale de migration ayant suivi les côtés du sud de l’Asie en direction de l’Australie, où l’on retrouve des fossiles datés d’environ 50,000 ans. Si les causes de cette migration sont encore incertaines, elle marque néanmoins un tournant dans l’histoire de notre espèce, et est le prélude à un développement comportemental, technique, social etc. important, qui conduira à l’agriculture il y a 10,000 ans, et in fine aux civilisations actuelles. Il est dès lors possible de souligner et d’étudier les similitudes et les différences entre l’avant et l’après sortie d’Afrique.

Évolution spatiale

La principale caractérisation que l’on peut esquisser de la sortie Out of Africa est une expansion géographique majeure de notre espèce. Suite à de premières migrations sur la continent Africain, attestées par des découvertes archéologiques en Afrique du sud, en Algérie etc., la sortie hors d’Afrique marque le début de la conquête du globe, bien au-delà des terres colonisées auparavant par Homo ergaster, Homo erectus ou d’autres représentants du genre Homo. Si ceux-ci se rencontrent en effet aujourd’hui dans des sites s’étalant sur l’Afrique, l’Europe et l’Asie, Homo sapiens est le premier à gagner la Nouvelle-Guinée et l'Australie, qui malgré les importantes variations du niveau des mers de la dernière ère glaciaire n’ont jamais été reliées par la terre à la péninsule sud-est asiatique et à l’actuelle Indonésie. Homo sapiens est ainsi le premier à avoir parcouru des distances de plusieurs dizaines de kilomètres sur les mers. De même, il est le premier et le seul être humain à avoir franchi les glaces qui recouvraient le Détroit de Béring aux périodes glaciaires pour gagner les Amériques, probablement en ayant recours au canotage le long des côtes.

Ces migrations ont été très vraisemblablement le fait de petits groupes d’une trentaine d’individus, dispersées dans de vastes régions et dès lors peu fréquemment en contact les unes avec les autres. La croissance de la population humaine mondiale, et avec elle celle des densités de population, a été très lente tout au cours des derniers 100,000 ans, pour ne se mettre à accélérer de façon exponentielle que dans les périodes les plus récentes de notre histoire. Toutefois, même si la population globale est demeurée faible, la période qui s’étend de la sortie hors d’Afrique au néolithique se caractérise par de claires capacités d’adaptation à des environnements variés, et parfois très difficiles.

Le succès de ces populations ancestrales s’accompagne de, et s’explique en partie par, une maîtrise de plus en plus prononcée de l’environnement dans ses différentes dimensions, que ce soit pour mieux en extraire sa subsistance, surtout dans des conditions difficiles, pour comprendre et profiter par exemple des migrations animales au cours des saisons, pour établir des lieux de vie dans des endroits « stratégiques » (par exemple en haut de collines offrant une vie dégagée sur les environs), etc. Dans le prolongement de ces progrès, la capacité à tirer profit d’environnements voisins mais différents – par exemple le milieu côtier avec la pêche ou la récolte de coquillage et le milieu terrestre un peu plus à l’intérieur des terres – est à noter, avec en conséquence des déplacements de l’un à l’autre. Des sites de fouille révèlent ainsi des matériaux collectés en un endroit et transportés ensuite sur de très longues distances avant d’être utilisés.La maîtrise d’un langage sophistiqué, permettant plus que chez les autres espèces humaines l’expression et donc le partage de concepts, d’arguments et de propositions complexes, constitue une base vraisemblable pour l’ensemble de ces évolutions comportementales

Axes d'analyse de la transition